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Cécile Guéret

« Comment apprendre à s’aimer ? »


C'est la belle question autour de laquelle Flavie Flament m'a invitée à réfléchir dans On est fait pour s'entendre sur RTL, à 15h aujourd'hui. Je serai en compagnie du philosophe et enseignant en méditation Fabrice Midal, auteur de « Sauvez votre peau ! Devenez narcissique ».

Avant tout : Le bouquin est top, je vous le recommande ! Avec beaucoup de bienveillance, loin des injonctions et des recettes en 7 points censées transformer notre vie en un coup de baguette magique, Fabrice Midal nous invite à aller, avec curiosité et tendresse, à la rencontre de nous-mêmes, humains formidables et imparfaits. Le livre est aussi une belle rencontre avec l'auteur, qui y confie ses propres questionnements, ses doutes, ses failles, ses réussites, ses talents, ce qui l'émeut et ce qui le porte. Un dévoilement émouvant.

Être plus narcissique pour mieux s'ouvrir aux autres

J'ai été particulièrement intéressée par le lien que Fabrice Midal fait, à la fin de l'ouvrage, entre narcissisme et altruisme. « On ne peut faire le bien autour de soi que si on sait ce qui est bon pour soi » écrit-il. Comme le théorisait en effet, à propos de la relation pleine et entière, le philosophe Martin Buber dans son livre « Je et Tu » en 1923 : « Pour sortir vers l’autre, on doit connaître intimement le lieu de départ. On doit avoir été chez soi, être chez soi » (1).

Comment être présent à soi et à l'autre ? Car l'accueil de l'autre ne peut être inconditionnel : il s’arrête à ce que nous pouvons chacun supporter, assimiler. Sauf que pour nombre d'entre nous, sentir cette limite et la respecter est souvent difficile. C'est une grande partie du travail que je fais avec les personnes que j'accompagne en gestalt-thérapie : les aider à sentir comment, pour être présents à l'autre, ils doivent aussi être présents à eux en tant que sujet, avec leur personnalité, leurs envies, leurs besoins singuliers. Comment c’est de leur responsabilité de ne pas disparaître devant l'autre : exister sous son regard, soutenir leur propre ressenti, leur opinion, être consistant. Être a la fois dans une attention à eux-mêmes pour ne pas disparaître, dans une ouverture à l'autre pour partager leur propre vision du monde et dans un mouvement vers lui pour le rejoindre. Pour reprendre les mots de la gestalt-thérapeute Chantal Masquelier-Savatier : « Sortir de l’exclusion « Ou toi ? Ou moi ? » pour tenir le pari d’une coexistence possible « ET toi, et moi ! » (2). Un travail délicat, sensible, parfois douloureux, mais essentiel.

Chacun se révèle à lui-même par la grâce de l'autre

Chez le philosophe Martin Buber, la rencontre entre le Je et le Tu est en effet un acte de confirmation mutuelle, de reconnaissance de chacun dans son humanité et sa pleine singularité. « Je m’accomplis au contact du Tu, je deviens Je en disant Tu » écrit-il. C'est ainsi qu'en gestalt-thérapie comme dans la vie, chacun se révèle à lui-même par la grâce de l'autre, « apparaît à l'occasion de l'autre » (3).

Narcissisme et démocratie

Fabrice Midal ajoute, lui, un lien qui me semble particulièrement pertinent avec notre responsabilité en tant que sujet citoyen : « Sans narcissisme pas de démocratie ». Pour être citoyen, il faut pouvoir penser par soi-même, être au clair sur ses valeurs, ses désirs, ses limites. Donc, savoir qui l'on est. Sans cela, nous courons le risque de nous cantonner à une obéissance aveugle.

Et oui, travailler sur soi, c'est aussi politique ! :)

1) Martin Buber, philosophe, auteur de l'indispensable "Je et Tu" (Aubier,1923) cité ici par la gestalt-thérapeute et psychologue Sylvie Schoch de Neuforn, dans "Un dialogue thérapeutique" (L’exprimerie, 2000).

2) Dans "Comprendre et pratiquer la Gestalt-thérapie : une démarche novatrice" (Interéditions, 2008).

3) Comme le dit si joliment le gestalt-thérapeute Jean-Marie Robine dans : "Gestalt-thérapie La construction du soi" (L'Harmattan, 1998).


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