Le web reflète-t-il seulement le pire et le meilleur de l’âme humaine ? Ou suscite-t-il, chez chacun de nous, des comportements spécifiques?
Internet est un outil qui, par définition, n’est ni cruel ni bienveillant, ni égoïste, ni solidaire. Tout dépend de ce que nous en faisons, des sites que nous suivons, des blogs et chaînes vidéo auxquels nous nous abonnons. Car si, dans la vraie vie, nous étions déjà plus enclins à aller vers des médias qui partagent notre point de vue (pour 46 % d’entre nous), c’est encore plus vrai pour le web (pour 72%% d’entre nous). Une tendance devenue la règle en 2014, confirme Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, société spécialisée dans l’analyse du web social, « car les algorithmes repèrent nos intérêts pour nous proposer des liens en affinité et nous conforter dans ce que nous aimons et croyons déjà. L’espace public partagé qu’était Internet à ses débuts n’existe plus ». Difficile alors de savoir ce qu’est vraiment cette Toile. Coincés dans notre bulle, nous n’y voyons que le reflet de ce que nous y mettons. Pourtant, même si nous n’en sommes pas acteurs, nous nous doutons bien qu’Internet héberge le pire et le meilleur, la « mignonitude » la plus gnangnan comme le trash le plus inconcevable. Le Net est-il simplement le reflet du monde ou se joue-t- il autre chose via un médium qui amplifierait les contrastes, polariserait les points de vue, entraînerait des réactions en chaîne inconcevables « in real life » (IRL).
Tentés par le bon mot
Pour le psychiatre Michel Lejoyeux, nous n’interagissons pas sur Internet comme dans la vraie vie, « cela change notre façon de communiquer. La règle est l’agressivité, l’humour moqueur et la méchanceté ». Un comportement qu’il explique par une sorte d’addiction, un besoin impérieux de réagir, sans réfléchir. Pour exister, nous voulons avoir le bon mot en avant-première, quitte à commenter un article avant d’avoir eu le temps de le lire. En cause, selon lui : l’anonymat, qui déclenche des pulsions que nous refrénons d’habitude, et le fait que le web « apparaisse plus comme un jeu que comme un vrai espace de transmission d’émotions ». Nous oublions parfois que, derrière l’écran, se tient une vraie personne avec sa vulnérabilité, sa susceptibilité, sa demande de reconnaissance. Si bien que les jugements fusent, péremptoires. Parce que nous ne nous rencontrons pas en chair et en os, nous pouvons en effet être plus facilement dans un rapport utilitariste à l’autre. Sur les sites de rencontres, par exemple, ou sur Facebook, à l’image de ceux qui ne s’y rendent que pour demander un service. Celui avec lequel j’interagis n’est pas rencontré dans sa différence ni considéré comme un alter ego. Sur le web, le passage à l’acte semble aussi plus facile : lorsque mon interlocuteur m’agace, il suffit que je me déconnecte. Pire qu’insulté, l’autre est nié dans son existence même. « Sauf qu’en fait, c’est très rare, modère le sociologue Dominique Cardon, l’un des experts du Digital Society Forum. Ce qu’avait démontré le sociologue américain Erving Goffman est tout aussi vrai sur le Net : la vie sociale est une scène de théâtre où il est vital de garder une bonne image. (...)
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Tentés par le bon mot
Un thermomètre de la réalité
La spirale folle du like
Échanger, épauler, gratifier
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